Cet été 2018, les médias ont clamé haut et fort que la température de l’étang de Thau étant trop élevée, la malaïgue s’est installée à partir de Mèze et que huîtres et moules ont connu une forte mortalité et se sont avérées impropres à la consommation. Mais qu’est que cette « mauvaise eau », malaïgue en occitan (aïgue = eau) ?
Le phénomène est bien connu et peut avoir plusieurs origines : il repose sur un fort réchauffement de l’eau sur une longue période et divers facteurs biologiques.
En 2006 la malaïgue avait été très forte mais s’était concentrée sur la zone des eaux blanche, là où est situé le ponton de la Bordelaise, notre jardin de plongée. La tramontane avait envoyé dans cette zone en cul de sac des animaux morts qui avaient fourni des nutriments aux bactéries et favorisé la prolifération les algues. Les zostères en avaient déjà perçu la venue car elles s’étaient reproduites en masse au printemps.
Cette année, c’est tout l’étang qui a été atteint à cause du manque d’eau pluviale et des fortes chaleurs (moi, plongeuse, j’ai adoré l’eau chaude et la plongée sans cagoule !). Les algues ont proliféré (photos 1 et 2) et certaines se sont mélangées avec de la vase et des fèces pour recouvrir les rochers et étouffer toute vie en dessous. Ceci a entrainé une forte mortalité chez de nombreuses espèces et les bactéries ont couvert de grandes zones (photo 3).
Par contre, d’autres espèces comme la claveline mouchetée (photo 4) et les vers salmacines ont proliféré. C’est d’ailleurs la vision des piliers du ponton couverts de vers ainsi que de bryozoaires spaghetti qui nous a annoncé cette malaïgue. Pendant 3 semaines l’eau était très peu claire pour ne pas dire opaque (photo 5), bien que l’on ait vu pire en 2006 et lors d’épisodes précédents où c’était franchement noir.
Cependant, il a été surprenant d’observer comment de nombreux animaux résistent bien : hippocampes et syngnathes sont toujours là ; les cérianthes, les athérines, les bernards l’ermite, les éponges, les phoronidiens, les ascidies noires, les violets, les escargots, les bryozoaires habituels sont restés présents en quantité. A l’inverse les clavelines sont toutes mortes et on ne trouve plus de botrylles étoilés !
Nous allons maintenant vers un renouveau : l’eau est devenue moins chaude à 22°C et s’est éclaircie, les crénilabres cendrés sont tous au nid, les gobies noirs mâles gardent les œufs, les dorades, les loups sont magnifiques, les anguilles affamées, les papas hippocampes ont fait plein de bébés (on a vu beaucoup de petits) et les crevettes n’ont jamais été aussi nombreuses ! Quelques lièvres de mer ont échappé au massacre et sont en train de préparer l’avenir.
Nous allons maintenant observer comment se reconstituent les peuplements et cela promet d’être passionnant.
A suivre…
Annie Lafourcade (équipe BioObs, région Pyrénées-Méditerranée).