Vers un réseau Aliens Eaux Douces ?
Lors du séminaire des Amis de BioObs de Lyon, les 25 et 26 janvier dernier, nous avions entamé et annoncé par notre Newsletter de janvier 2025 un travail de réflexion autour de la mise en place d’un futur réseau national dédié aux ENI d’eau douces.
A la suite de cette publication, nous avons été invités par la FFESSM à élaborer conjointement la feuille de route de ce futur réseau. Un comité de pilotage associant des représentants de la FFESSM, de BioObs, avec l’appui scientifique de Pierre Noël du MNHN, a été mis en place avec deux objectifs principaux :
- Définir les objectifs du réseau, sa gouvernance, son financement, les différents partenaires et collecteurs de données à associer, ainsi que la façon de les faire converger,
- Elaborer les listes d’espèces, les définitions, les documents nécessaires et les formations à prévoir.
Conformément aux orientations de ce Copil, nous avons depuis contribué sous la coordination de Pierre Noël à l’élaboration de la liste d’espèces d’intérêt :
- en nous appuyant sur les documents élaborés par les scientifiques et gestionnaires comme le Centre de ressources sur les Espèces exotiques envahissantes de l’OFB et de l’UICN, la liste des espèces préoccupantes de l’Union Européenne et la base de données des espèces indicatrices du MNHN,
- en formulant des propositions pour compléter la liste proposée, notamment par des espèces visibles depuis la rive et/ou à partir d’une embarcation afin d’élargir la communauté des futurs contributeurs de ce réseau (promeneurs, pêcheurs, associations naturalistes ou d’éducation à l’environnement, …). En parallèle, un important travail de création des fiches espèces concernées a été mené par l’équipe dédiée de BioObs.
Nous avons également au travers du réseau BioObs identifié et contacté de potentiels partenaires, notamment parmi les réseaux régionaux des CPIE (Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement) ayant déjà une expertise dans le domaine des eaux douces, ainsi que des partenaires apportant une expertise scientifique et/ou dans la gestion des milieux dulçaquicoles comme les acteurs de l’Association Française de Limnologie.
L’objectif est maintenant de finaliser la liste des espèces retenues d’ici la fin de l’année, de formaliser la gouvernance du réseau et d’élaborer une stratégie de financement pour les actions futures (formation, communication, inventaires dédiés, …). Nous faisons appel à toutes les bonnes volontés concernant les contributions à ce réseau et vous tiendrons informés des prochaines étapes.
Cette Newsletter a pour objectif de présenter un rapide état des lieux et des défis posés par les ENI d’eau douce.
En 2023 l’IPBES reconnait à nouveau les espèces exotiques envahissantes comme l’une des principales causes de l’érosion de la biodiversité. Toutes les espèces non indigènes (ENI) ne sont pas envahissantes.
- Introduites par l’Homme, intentionnellement ou non, depuis leurs aires naturelles de répartition, certaines vont avoir la capacité de s’établir, de former des populations viables,
- Passée cette phase certaines d’entre elles, à la faveur de différents facteurs (altération des équilibres environnementaux : destruction d’habitat, changement climatique…) peuvent devenir envahissantes en ayant des impacts sur la biodiversité, les services rendus par la nature, la santé…
Les réseaux Aliens s’intéressent aux ENI, comme des sentinelles des changements globaux, aidant à prendre conscience des mutations de notre environnement.
Le milieu aquatique ne fait pas exception aux invasions biologiques. Etant affecté par de nombreuses perturbations (voies navigables, milieu récepteur, atteinte des habitats du lit et des berges, artificialisation, multi-usages…) il est favorable à l’introduction et au développement, parfois massif des ENI (jussies, renouées, écrevisses, ragondin, silure…). Les impacts sont multiples : sur la biodiversité (compétition, prédation, hybridations, pathogènes…), sur le fonctionnement des écosystèmes (modification des chaines trophiques, des cycles bio-géochimiques – O2, lumière…, des habitats, des paysages…), sur la santé humaine par des espèces vecteurs de maladie, hydriques notamment – leptospirose…, sur les usages avec souvent des conséquences économiques – colmatage de prises d’eau, gènes à la navigation… Certaines espèces d’ENI paraissent neutres dans l’environnement, simplement là au milieu des autres sans poser de problème semble-t-il au milieu d’un écosystème robuste et équilibré. D’autres sont dans le paysage depuis tellement longtemps que l’on n’a pas forcément consciences que ce sont des ENI (par exemple la carpe, la gremille, l’ombre commun, le saumon de fontaine, le sandre…pour ne parler que de quelques poissons).
Le regard des plongeurs sur les ENI d’eaux douces, et aussi d’ailleurs, un bon moyen d’appréhender et de comprendre l’écosystème dans lequel nous évoluons. Collecter ses observations est une contribution utile et un but supplémentaire à sa plongée.
Notre page de présentation des réseaux ALIEN présente différentes ressources: n’hésitez pas à la consulter et à la partager sans modération.
Les 10 ans du réseau Alien Corse : Save the date !
A l‘occasion des 10 ans du réseau Alien Corse, l’Office de l’Environnement de la Corse organise une journée d’échange et de tables rondes destinée à mettre en lumière le chemin parcouru depuis la création du réseau, à valoriser les actions concrètes menées en Corse en matière de surveillance et de prévention et à créer un espace d’échanges entre scientifiques, gestionnaires, acteurs institutionnels et grand public autour de la thématique des ENI.

Cette journée aura lieu le 14 novembre 2025 à Ajaccio. Inscriptions à venir sur le site de l’Office de l’Environnement de Corse.
L’ALIEN du mois
Espèce américaine aujourd’hui invasive en Europe, la perche soleil (Lepomis gibbosus) fascine par ses couleurs vives mais inquiète par ses impacts écologiques.
Adaptable et prolifique, elle menace l’équilibre des milieux aquatiques locaux en concurrençant de nombreuses espèces indigènes. Saviez-vous que la Perche soleil, aussi appelé Lepomis gibbosus a une histoire fascinante en France et en Europe plus largement. Elle est considérée comme espèce invasive dans de nombreux pays européens. C’est un poisson d’eau douce originaire d’Amérique du Nord.
Description et biologie
Ce petit poisson, de forme presque circulaire et aplati latéralement, se distingue par ses couleurs vives allant du bleu verdâtre au jaune orangé, et par une tache caractéristique sur l’opercule chez les mâles. Sa taille adulte varie entre 8 et 15 cm pour un poids maximal de 350 g. La perche soleil est une espèce diurne très adaptable, vivant dans les eaux calmes, stagnantes et riches en végétation où elle peut facilement se cacher.
Son régime alimentaire est principalement carnivore et opportuniste : elle consomme des invertébrés aquatiques, des crustacés, des insectes, des mollusques, des œufs et des alevins d’autres poissons, voire des végétaux lorsque les proies manquent. La maturité sexuelle est atteinte vers deux ou trois ans et la reproduction se déroule de mai à août, lorsque la température de l’eau dépasse 18-20°C. Le mâle construit un nid en eau peu profonde où plusieurs femelles peuvent pondre, la ponte pouvant atteindre 8 000 à 11 000 œufs par nid en une saison.

Répartition et propagation
Introduite en Europe à la fin du XIXe siècle comme poisson d’agrément pour les aquariums et les bassins, la perche soleil s’est parfaitement acclimatée et est aujourd’hui largement répandue, notamment partout en France et dans de nombreux milieux lentiques et canaux. Sa forte capacitée d’adaptation lui permet de supporter des eaux peu oxygénées, légèrement salées et aux températures variables.

Cartographie des 109 235 observations de Lepomis gibbosus en France – Source GBIF 2025
Impact écologique
Lepomis gibbosus figure parmi les espèces de poissons introduites ayant les effets écologiques les plus néfastes. Elle est responsable de la diminution de densité d’espèces indigènes telles que certains poissons, amphibiens (ex. Triturus cristatus, Hyla arborea), gastéropodes et macro invertébrés. Ceci perturbe le fonctionnement naturel des écosystèmes, notamment par la prédation agressive, la compétition pour la nourriture et l’hébergement de parasites non indigènes.
De plus, sa présence entraîne une réduction du zooplancton, aggravant l’eutrophisation des eaux où elle est dominante. Elle est donc classée espèce nuisible et susceptible de provoquer des déséquilibres écologiques dans la plupart des régions françaises.
Comparaison avec d’autres poissons invasifs en Europe :
Bibliographie
- Fiche BioObs : https://bioobs.fr/blog/fiche-espece/890/
- Comité français de l’UICN et Office français de la biodiversité [Ed], 2024. Lepomis gibbosus. Centre de ressources espèces exotiques envahissantes.
https://base-information-especes-introduites.fr/espece/lepomis-gibbosus/ – 5 octobre 2025 - INPN : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/69338
- Fishipedia, « Perche soleil – Lepomis gibbosus – Fiche poissons ». Cette fiche offre une description détaillée sur la biologie, la morphologie, le comportement, la reproduction et les impacts écologiques de l’espèce, validée par des naturalistes et des scientifiques. https://www.fishipedia.fr/fr/poissons/lepomis-gibbosus
- Fédération de pêche Vendée, « Perche soleil – Lepomis gibbosus ». Fiche informative sur la répartition et la réglementation de la perche soleil en France. https://federation-peche-vendee.fr/especes-et-repartitions/perche-soleil-lepomis-gibbosus/
- Aquaportail, « La perche-soleil, Lepomis gibbosus » https://www.aquaportail.com/fiche-poisson-3010-lepomis-gibbosus.html
- Observatoire SHNA-OFAB, « Perche soleil (Lepomis gibbosus) » https://observatoire.shna-ofab.fr/fr/fiches-especes/perche-soleil-lepomis-gibbosus_45_T69338.html
- Observatoire poissons Seine-Normandie, « Perche-soleil | Fiche poisson » https://www.observatoire-poissons-seine-normandie.fr/poissons/perche-soleil/
Les nouvelles fiches-espèces
Tous les mois, nous vous présentons les nouvelles fiches espèces créées. Sans surprise, il y a de nombreuses espèces d’eau douce.

- Oseille de mer (Desmarestia viridis)
- Arbre à papillons (Buddleja davidii)
- Herbe à pampa (Cortaderia selloana)
- Topinambour (Helianthus tuberosus)
- Chevrefeuille du Japon (Lonicera japonica)
- Faux arum (Lysichiton americanus)
- Tassergal (Pomatomus saltatrix)
- Paspale dilatée (Paspalum dilatatum)
- Paspale à deux épis (Paspalum distichum)
- Rhododendron des parcs (Rhododendron ponticum)
- Robinier (Robinia pseudoacacia)
- Seneçon du Cap (Senecio inaequidens)
- Solidage geant (Solidago gigantea)
- Spirée à feuilles de saule (Spiraea salicifolia)
- Aster squamateux (Symphyotrichum squamatum)
- Moule pygmée (Limnoperna fortunei)
- Calcinus rosacé (Calcinus rosaceus)
- Ecrevisse de Murray (Cherax destructor)
- Crevrette d’élevage (Machrobrachium rosenbergii)
- Jaera istri (Jaera istri)
- Poisson à tête de serpent du Nord (Channa argus)
- Choquemort (Fundulus heteroclitus)
- Gambusie (Gambusia affinis)
- Baret (Morone americana)
- Gobie fluviatile (Neogobius fluviatilis)
- Goujon de l’Amour (Perccottus glenii)
- Gobie de De Buen (Buenia affinis)
- Vison d’Amérique (Mustela vison)
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